StJacques

Nous voilà de retour au bercail depuis une semaine déjà... La reprise de la "vie civile" (ou de la civilisation?) n'est pas évidente! Tout était tellement plus simple sur le chemin: marcher, manger, dormir, échanger remplissaient largement notre quotidien!

Mais quel bonheur maintenant de retrouver tous ceux qui nous sont chers et que nous n'avons évidemment pas oubliés!

Il est temps maintenant  de conclure cette page inoubliable du chemin de notre vie, bien que je n'aime pas ce mot de conclure qui implique une fermeture totalement étrangère à mon souhait!

Jamais je ne voudrais oublier tous ces pèlerins rencontrés, toutes ces personnes qui nous ont hébergés et aidés, tous ceux avec qui nous avons échangé quelques mots ou davantage sur le bord du chemin....

Jamais je ne voudrais oublier tous ces moments magiques  que nous avons pu vivre en quelques mois, depuis  les célébrations avec le Père Paul  à Santiago jusqu'au petit-déjeuner dans l'arrière boutique du boulanger, en passant par l'apparition des Pyrénées enneigées ou de l'infini de l'océan à Fisterra ou des colonnes de pierre de l'abbaye d'Acey ou les retrouvailles inespérées avec l'un ou l'autre pèlerin...

Parler de bilan serait aussi un peu terminer une expérience, alors que tout au long du chemin je parlais de "jeter des ponts" en tous sens, donc plutôt d'ouvrir de nouvelles perspectives, de nouveaux chemins, de recoudre ensemble tous les petits morceaux de nos vies...

Oui, ces ponts nous ont conduits vers des hommes et des femmes de tous milieux, de toutes nationalités, de tous continents,  de tout âge, et nous ont permis de tisser des liens plus ou moins fugitifs mais tellement agréables, liens dont certains resteront sans doute, je l'espère, plus durablement.

Plus que l'"ultréïa" français, le "buen camino " et le Hola espagnols, entendus et prononcés joyeusement des centaines de fois par jour, marquent le lien d'appartenance à cette grande famille des pèlerins actuels...

Mais la grande famille s'étend depuis le Moyen-Age et nous sommes heureux d'avoir mis nos pas dans ceux de nos prédécesseurs plus ou moins lointains, et surtout d'avoir découvert les témoignages de leur foi que sont toutes ces magnifiques cathédrales, abbayes,  basiliques et autres églises et chapelles, de tous ces calvaires et toutes ces statues de la Vierge et des Saints, aussi bien que toutes ces routes, toutes ces villes  et ponts aménagés pour le passage vers ce lieu mythique de Compostelle.

Il reste encore bien des ponts à évoquer, nous conduisant vers notre propre passé et notre présent: malgré la distance, certains liens se sont resserrés entre nous et nos familles et amis qui nous ont suivis jour après jour, fidèlement; d'autres liens par le souvenir sont réapparus dans ma mémoire pendant la marche, comme si en avançant pas après pas tout le chemin de notre vie réapparaissait par petits morceaux, et c'est ainsi que nous sommes arrivés tous ensemble à Santiago, avec tous ceux qui ont fait un jour partie du train de ma vie, ceux qui en sont malheureusement descendus, ceux qui y sont montés, ceux qui y sont encore... dans un wagon plus ou moins proche...

Comme toute activité en plein air évidemment, ce long chemin parcouru crée aussi inévitablement des ponts avec la nature, la beauté de notre monde, l'immensité de certains panoramas: "la nature est un temple..."  disait Baudelaire, et c'est vrai que tous ces troncs dressés vers le ciel comme les colonnades majestueuses de toutes ces abbayes et cathédrales nous élèvent l'âme et viennent consolider le lien qui nous relie à Dieu.

Expérience de relations humaines,  découverte de nouveaux paysages et horizons, d'autres cultures, expérience spirituelle et religieuse, le Chemin doit rester un chemin, ouvert (sinon ce serait une impasse!), qui nous ramène à notre vie avec plus d'ouverture, de tolérance, d'amour, de confiance et de foi (comme on dit... St Jacques est avec vous!): n'ayons pas peur, nous ne sommes jamais seuls sur le Chemin, nous ne sommes jamais seuls sur le chemin de notre vie!